Ce matin avant de partir à mes consultations,
je voudrai avoir une pensée-texte
à mes vieux malades dont j'apprécie le plus la compagnie car ils ont le plus besoin de moi, de mes soins, de mon écoute surtout.
J'ai une pensée-prière
surtout pour celle qui est de l'autre coté sûrement à nous regarder et n'a plus à être tourmentée par ses oublis majeurs, par son amnésie, sa démence.
Il n'est pas pire que la démence
lorsque les yeux gros roulent hagards dans leurs orbites ne sachant plus rien du jour ou de la nuit, des gens et des noms jusqu'à sa propre vie
C'est horrible Alzheimer.
Rien n'est moins digne.
Tout est truffé de bas fond, d'immondicité, de douleur, de souffrances!
Non pas que le dément souffre plus qu'un autre mais parce qu'il y a dans la déchéance humaine un stade que n'atteint que ceux qui perdent la notion du temps, de l'espace, de leur corps, de l'humain.
L'homme sain n'aime pas voir l'homme diminué surtout pas le dément.
peut-être parce que le fou lui fait peur or allez demander au psy très peu de fous sont dangereux!
Peut-être parce que le fou lui fait honte par ses actes irréfléchis or qui est plus fou que l'autre celui est incapable de jugement ou celui qui juge l'injugeable!
Peut-être par tabou car l'homme aime se cacher des infirmités, des laideurs.
Peut-être parce que le dément rappelle l'Homme à sa petitesse et ses faiblesses or il n'y a pas plus faible et plus vulnérable que celui qui est perdu qui ne sait plus rie jusqu'à son nom, jusqu'à qui "suis-je"!
J'en reviens à celle qui fût ma patiente qui depuis sa maladie n'a jamais
émis un mot.
Nous aimons tous si puissants que nous sommes retourner à nos origines premières, nous rapprocher de nos souvenirs lorsque nous sentons vulnérables ou diminués.
Pour cela, les médecins , sa famille jugèrent bon de la rapatrier en Tunisie pour y finir ses jours.C'est là que je la suivis.
Une forme grave de démence où même les mots ne s'accordaient plus.
Manque de fluence ou une forme particulière d'autisme ou de mutisme volontaire
par deuil à sa personne dégradée , finie...
Je n'ai pas de réponse.
Je crois que je ne comprendrai jamais sauf ce regard perdu ,jamais là
terriblement apeurée , en panique et cette quantité de frissons qui la parcourait du jour et de nuit sous ses couvertures même dans les jours d'août les plus
chauds.
Ceux qui connaissent la Tunisie savent combien ce mois est des plus chauds, des plus insupportables.
Et pourtant, madame "S" dont je tairai le nom par respect grelottait sous ses couettes , perdue, seule malgré l'assistance de ses enfants.
J'étais la seule avec qui un semblant de communication s'établissait et
on m'appela souvent rien que pour la faire revenir à notre monde.
Certainement de bonne volonté vu que mes honoraires étaient plus qu'assurés mais surtout parce que j'aime réussir dans l'impossible,je l'avoue.
De nature butée et peut-être imbue,j'aimais venir rester auprès d'elle pour lui tenir la main et juste bavarder et combien je me suis retenue le jour où de grosses larmes lâchèrent sur ses joues fripées.
Que pleurait-elle?
mon air bête et comique de converser avec une personne absente
ou encore
le souvenir d'une personne autrefois valide et à la tête d'un bataillon tous devenus
notables et instruits grâce à ses efforts d'analphabète??
Je n'ai toujours pas de réponse sauf le jour où excédés par l'insistance d'un chirurgien à la con qui voulait absolument exciser ses escarres et donc l'hospitaliser dans sa clinique de renommée,ses enfants m'appelèrent, j'accourus.
Je lui parlai de leur volonté et lorsque j'abordai le mot hospitalisation,
elle retint ma main fortement et hurla
" non, je veux mourir "fi dari " dans ma maison pas la clinique"
Depuis, elle se tût à jamais.
On m'appela encore une fois pour m'annoncer qu'elle était partie juste aux hurlements de l'ambulance qui allait la transportait malgré mes recommandations, sa volonté au pas de la porte.
Tels furent ses mots,
Telle fut sa volonté
Mais avait-elle tous ses esprits à ce moment.
Je suis convaincue de cette vérité.
Et si j'ai un message à passer par ce biais pas très tendre de bon matin, macabre certainement c'est
de pas lâcher nos malades surtout nos vieux et si vous avez encore votre père , mère ou aïeux parlaient leur encore et encore.
Parlez de tout et de rien ,
Soyez sans honte des pies avec eux ,
Oubliez les anciens dilemmes,
Descendez à leur niveau,
Ne soyez pas avares des mots,
Remplissez les cases,
Jouer un sudoku non pas sur un journal muet mais avec un coeur qui bat toujours malgré les béances.
C'est pas une prêche que je tiens, j'en suis incapable mais juste une invitation pour mieux regarder, essayer de comprendre, de réaliser
Il n'est pas pire que la démence
lorsque les yeux gros roulent hagards dans leurs orbites ne sachant plus rien du jour ou de la nuit, des gens et des noms jusqu'à sa propre vie
C'est horrible Alzheimer.
Rien n'est moins digne.
Tout est truffé de bas fond, d'immondicité, de douleur, de souffrances!
Non pas que le dément souffre plus qu'un autre mais parce qu'il y a dans la déchéance humaine un stade que n'atteint que ceux qui perdent la notion du temps, de l'espace, de leur corps, de l'humain.
L'homme sain n'aime pas voir l'homme diminué surtout pas le dément.
peut-être parce que le fou lui fait peur or allez demander au psy très peu de fous sont dangereux!
Peut-être parce que le fou lui fait honte par ses actes irréfléchis or qui est plus fou que l'autre celui est incapable de jugement ou celui qui juge l'injugeable!
Peut-être par tabou car l'homme aime se cacher des infirmités, des laideurs.
Peut-être parce que le dément rappelle l'Homme à sa petitesse et ses faiblesses or il n'y a pas plus faible et plus vulnérable que celui qui est perdu qui ne sait plus rie jusqu'à son nom, jusqu'à qui "suis-je"!
J'en reviens à celle qui fût ma patiente qui depuis sa maladie n'a jamais
émis un mot.
Nous aimons tous si puissants que nous sommes retourner à nos origines premières, nous rapprocher de nos souvenirs lorsque nous sentons vulnérables ou diminués.
Pour cela, les médecins , sa famille jugèrent bon de la rapatrier en Tunisie pour y finir ses jours.C'est là que je la suivis.
Une forme grave de démence où même les mots ne s'accordaient plus.
Manque de fluence ou une forme particulière d'autisme ou de mutisme volontaire
par deuil à sa personne dégradée , finie...
Je n'ai pas de réponse.
Je crois que je ne comprendrai jamais sauf ce regard perdu ,jamais là
terriblement apeurée , en panique et cette quantité de frissons qui la parcourait du jour et de nuit sous ses couvertures même dans les jours d'août les plus
chauds.
Ceux qui connaissent la Tunisie savent combien ce mois est des plus chauds, des plus insupportables.
Et pourtant, madame "S" dont je tairai le nom par respect grelottait sous ses couettes , perdue, seule malgré l'assistance de ses enfants.
J'étais la seule avec qui un semblant de communication s'établissait et
on m'appela souvent rien que pour la faire revenir à notre monde.
Certainement de bonne volonté vu que mes honoraires étaient plus qu'assurés mais surtout parce que j'aime réussir dans l'impossible,je l'avoue.
De nature butée et peut-être imbue,j'aimais venir rester auprès d'elle pour lui tenir la main et juste bavarder et combien je me suis retenue le jour où de grosses larmes lâchèrent sur ses joues fripées.
Que pleurait-elle?
mon air bête et comique de converser avec une personne absente
ou encore
le souvenir d'une personne autrefois valide et à la tête d'un bataillon tous devenus
notables et instruits grâce à ses efforts d'analphabète??
Je n'ai toujours pas de réponse sauf le jour où excédés par l'insistance d'un chirurgien à la con qui voulait absolument exciser ses escarres et donc l'hospitaliser dans sa clinique de renommée,ses enfants m'appelèrent, j'accourus.
Je lui parlai de leur volonté et lorsque j'abordai le mot hospitalisation,
elle retint ma main fortement et hurla
" non, je veux mourir "fi dari " dans ma maison pas la clinique"
Depuis, elle se tût à jamais.
On m'appela encore une fois pour m'annoncer qu'elle était partie juste aux hurlements de l'ambulance qui allait la transportait malgré mes recommandations, sa volonté au pas de la porte.
Tels furent ses mots,
Telle fut sa volonté
Mais avait-elle tous ses esprits à ce moment.
Je suis convaincue de cette vérité.
Et si j'ai un message à passer par ce biais pas très tendre de bon matin, macabre certainement c'est
de pas lâcher nos malades surtout nos vieux et si vous avez encore votre père , mère ou aïeux parlaient leur encore et encore.
Parlez de tout et de rien ,
Soyez sans honte des pies avec eux ,
Oubliez les anciens dilemmes,
Descendez à leur niveau,
Ne soyez pas avares des mots,
Remplissez les cases,
Jouer un sudoku non pas sur un journal muet mais avec un coeur qui bat toujours malgré les béances.
C'est pas une prêche que je tiens, j'en suis incapable mais juste une invitation pour mieux regarder, essayer de comprendre, de réaliser
pour ne pas regretter.
c'est peut-être ridicule ce que je dis mais on ne perd rien à essayer de leverles difficultés
c'est peut-être ridicule ce que je dis mais on ne perd rien à essayer de leverles difficultés
pour eux,
pour nous qui avons encore notre santé.
salut,
RépondreSupprimerje t'ai envoyé un mail ce matin vers 9h et je viens de te le renvoyer.
des fois ça bu et les mail mettent plusieurs heures avant d'être transmis (selon que le serveurs est surchargé ou non je suppose)
oui je viens de le recevoir
RépondreSupprimermerci pour le détour
merci pour tout
un article à la Lilia qui dénonce bien des choses, des tabous, des peurs
RépondreSupprimerAlzheimer, je ne connais que de nom mais des vieux délaissés j'en connais et c'est triste de voir la vieillesse dans nos pays développés et la vieillesse dans d'autres plus pauvres mais qui ne renient pas leurs ainés
Je t'embrasse Lilia et j'ai ben compris que tu étais une battante et l'eimpossible ne te fait pas peur
Bravo pour le courage que tu as et pour celui de tes mots
"Jouer un sudoku non pas sur un journal muet mais avec un cœur qui bat toujours malgré les béances."
RépondreSupprimerComme c'est beau et je pense à ma grand-mère...
Merci pour ce texte sans détours, Lilia...
J'ai fait du bénévolat pendant 13 ans chez des Alzheimers et parfois ils ont des moments de lucidité qui donnent froid dans le dos.
RépondreSupprimerBonjour Lilia, je te remercie de te joindre à mon blog, je fais de même pour le tien.
RépondreSupprimerLilia,
RépondreSupprimerQuel texte touchant. Pour moi, c'est un droit au coeur!
Malheureusement, j'ai très bien connu ce que tu décris. Un jour en 2010 j'en reparlerai.
Merci Dr. Lilia vous avez un coeur d'or!
deux extraits de Christian Bobin pour te répondre,te rassurer et te remercier:
RépondreSupprimer"Les bébés sont des milliardaires qui ne gardent pas un sou pour eux:l'or qu'ils ont part dans tous les sens.Le vieillard c'est le pauvre absolu,la pauvreté dont parlent les mystiques.La fausse fortune,c'est le monde,mais près d'eux il n'y a plus de fortune.Il y a une terreur et une douceur dans ces deux âges,qui sont presque à l'état pur.Il n'y a pas de plus grande peur que celle de l'enfant qui a fait un cauchemar ou que celle de l'homme âgé qui a peur de mourir.ces deux choses sont rejetées dans l'âge adulte par la culture et la séduction.Cette bêtise de la séduction déporte au loin l'épouvante et la douceur de vivre. Or ces deux choses sont ce qui fait la grandeur des contes.C'est un genre qui sait très bien parler de la douceur et de l'angoisse mélangées de cette vie. Vivre, c'est être pris à l'intérieur d'un conte de fées. Quand l'adulte n'est voué qu'à la recherche de l'argent et du plaisir,il ne reste plus comme merveilles sûres que le premier et le dernier âge de la vie. Au fond, j'aime bien ceux qui arrivent et ceux qui vont partir. Ils ont de magnifiquement commun, l'un de ne pas avoir encore été saisi par la volonté de puissance, l'autre d'en avoir été rejeté. Tous les vieillards ne sont pas des sages,mais ce qu'ils ont de commun et qui me bouleverse,c'est ce dépouillement qui est venu,qu'ils y consentent ou pas, c'est cette faiblesse qui est partout sur eux et qui pour moi est sacrée. Notre société a renié notre éternité..."
"Un fou ,c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place."
Merci Lilia, ton billet m'a fait du bien.
RépondreSupprimerMa mère à 90 ans est accompagnatrice de chorale et si c'était pas de ma soeur et de moi qui l'assistons, elle lâcherait son activité. Je crois que ce serait son "coup de vieux", comme ils disent.
Je vois ces gens agés et diminués qui assistent à la messe à l'hôpital, le samedi matin. Souvent ils sont seuls ou accompagné d'un bénévole, et très peu ont un proche avec eux. J'ai vu, un jour, un proche prendre la main de son aieul, paralysé et l'aider à faire ses signes religieux et à communier. Ca m'a beaucoup touchée.
Maman est encore dans sa maison et je suis sûre qu'elle ferait comme ta patiente, si elle devait aller en foyer, elle nous quitterait aussi subitement.
"Par deuil à sa personne dégradée, finie..."
RépondreSupprimerC'est cela la raison.
Et ton ordonnace, ces conseils que tu donnes, me paraissent judicieux au possible.
Gloire à ceux qui tiennent jusqu'au bout leur honneur tendu!
C'est toute une culture qu'il faudrait construire du dédain de la mort,
du plaisir d'exister dans l'odeur d'une plante,
dans l'amitié d'un animal de compagnie, dans le sourire des enfants de la maison voisine.
Une petite fille m'a demandé hier 20 centimes. Pou acheter des bonbons. C'était dans la rue. Je lui ai donné un euros. Elle est partie radieuse alors que c'est à moi qu'elle avait fait un bien fou.
Une culture je te dis, de la main tendue, du coeur ouvert, du respect de l'autre. Et quand on viendra t'assister pour te nettoyer de tes excréments, tu sauras, des yeux, remercier. Tu réveilleras ainsi ta conscience.