Un jeune homme brun barbu et crâne rasé s'approche de la scène du sit-in de la kasba et s'empare du micro.
Il chante emporté par la foule un slogan patriotique certes mais au rimes religieuses.
La masse répète après lui énivrée par ce nouveau vent de liberté où la personne peut parler, crier , dénoncer le dictateur sans représailles mais dans une euphorie sans précédent.
La muselière a été arrachée par des vaillants sans collier.
La peur s'en est allée rejoindre les pires servitudes dans leur mouroir.
Plus de crainte.
Plus d'interdits.
Plus de représailles pour un juste dit,une allusion ,une lecture ou même la fréquentation de la mosquée.
"Allahouakbar ALLhouakbar laillaha illa Allah" passionnés , nous répétons .
Nous sommes transportés heureux presque repus comme si nous étions transportés ensemble vers les lieux saints d'Arabie et que nous tournions autour de la sainte Kâba dans un pélerinage hors temps hors saison.
Soudain, un jeune homme s'avance d'un pas décidé et parle sur un ton doux mais ferme rompant brusquement la magie du moment qui nous ramène durement sur terre:
" je suis juif et je vous respecte mais je ne puis vous suivre dans ce débat qui se veut areligieux et uniquement politique dans le but de la sauvegarde de notre Tunisie libérée et son avenir."
Un silence lourd ourlé de panique, de remue-ménage interne, de pulsions plus ou moins mauvaises, de doute, de compromis, de préjugés, de fantasme ,de non dits, d'écorchés vifs, d'assentiments, de répulsion, de reviviscence de vieux souvenirs noyés de rancoeur ou de nostalgie et de terribles confusions.
En une fraction de seconde,l'ambiance est courcircuitée,l'air commence à manquer.
Toutes les opportunités sont possibles car nous pouvons composer avec tous les systèmes sauf avec l'humeur de la foule.
Un rien peut la manipuler , l'humaniser ou la défigurer .
Les cous se tendent vers le couple opposé , les frères ennemis ,je dirai.
La majorité silencieuse se ratatine. Les pensées attérées piètinent tel un parkinsonnien dans un freezing sans issue.
L'issue est là dans un soulagement général losque le jenue barbu reprend le micro, ajuste sa voix et hurle :
" je m'excuse frérot , ni feuj ni rebeu juste TUNISIENS et fier de l'être!"
La digue est contenue, la foule apaisée et du coup, le regard n'est plus cyclope, la mémoire mnésique juste une magnifique "dhekra" des temps heureux dans des applaudissements joyeux.
Un temps où juif,musulman et catholique déambulaient ensemble dans les ruelles de la tunisie mère se ressourçant d'un sein à un autre tout aussi fécond faisant les quatre cents coups sans exagération de sermon ni de kiddouch ni de hadith.
Juste dans la tolérance d'autrui dans un appel commun de tous les livres saints sans revendication autre que le droit d'appartenance à cette terre mère qui a porté depuis longtemps les juifs dans les monts de l'Aurés et renforts de l'amphitéathre romain d'El jem lors des conquêtes arabomusulmanes.
L'histoire est à l'enseignement ce que la mémoire est aux faits soit une matière première étonnamment riche en conciliations, rapprochements, compromis et leçons de vie!
Je me retire doucement non comme quelqu'un qui s'esquive lâchement mais parceque l'heure est aux saveurs d'un instant magique où mon unique petit blond s'est héroiquement conduit en grand: en HOMME.
Il a merveilleusement aidé à ramener le fleuve à son lit sans perte ni débord mais dans la lucidité et l'amour de notre patrie.
J'avoue aussi que l'autre jeune s'est aussi bien conduit et repris.
Bravo pour cette tolérance des peuples vivants !
RépondreSupprimerJe t'embrasse fort
MERCI PATRICK d'être là
RépondreSupprimeroui vivant nous sommes devenus tombeaux nous étions
inchallah kadafi tombe aujourd'hui et nos amis libyens seront enfin libérés