samedi 13 février 2021

Mon renvoi des Hauts de Hurle-Vent....

Si de mes enjambées nocturnes, mes repas sautés, je garde encore quelques flashs. Un scotome total gomme tout souvenir de notre retour au bercail familial et de nos retrouvailles. Je sais uniquement que mon frère ainsi que ma cousine avaient fugué du bus scolaire pour retrouver notre maison. Ils me répétèrent des années après, avoir marché longtemps selon un itinéraire tracé par mon aîné, le cerveau de la famille. Ma famille, celle de ma mère. Bien que de cinq ans plus jeune, mon frère complota dans l’air de quelques secondes son évasion du pensionnat « les Hauts de Hurle Vents » comme je me plais à l’appeler aujourd’hui et hier encore. Très jeune et lorsque j’ai commencé à être amoureuse du livre, j’ai avalé en tremblant celui d’Emilie Brontï. Je ne sais ce que dans ce livre prête à confusion. Je sais juste que des doigts de feu se portent à ma gorge chaque fois que je regarde le film sur l'écran... Confusion malheureusement tragique dans ma tête d’hier et peut-être encore celle d’aujourd’hui. A la sonnerie des premières heures de cours, juste après la récréation, il se terra escorté de son aîné qu’il menait à la baguette pendant quelques minutes, le temps que tout le monde rentra en classe et que la cour se vida. Puis d’un geste décidé, il ouvra la grande porte et ordonna à ma cousine de sortir et la suivit. Cinq et neuf ans, seuls dans l’immense plaine de Sidi Bou Said. Ils se tinrent la main avec toute la force de leurs âges, la solidarité des prisonniers libérés par un coup de confusion générale et la bravoure des mutilés de guerre qui ne connaissent que très bien la douleur de la séparation et de l'exil. Le pensionnat français était desservi par une ligne de train qui se mourrait dans les flancs de la colline pour longer imperturbable la côte de la mer sur une vingtaine de kilomètres jusqu’à l’entrée de la capitale. Mon aîné souffla ma cousine de se laisser guider par les rails du train qui les mèneront à proximité de la maison. Il omit de lui rappeler que la route était longue, caillouteuse et parsemée de dangers. Il l’obligea uniquement à se tenir sur le bas côté des rails pour éviter l’électrocution car les trains à cette époque étaient encore desservis par l’électricité au sol. Affamés, sales et épuisés, ils firent leur entrée dans notre quartier. Victorieux et fier de sa puissance, mon frère s’en alla prendre sa revanche sur un voisin de son âge d’une partie de billes qu’il avait été obligé de laisser en suspension lors de son " kidnapping " pour l’orphelinat. Il avait réussi son exploit et plus rien ne lui était plus urgent que de rétablir l’ordre de la hiérarchie et retrouver son titre de chef de bande au milieu de ses petits copains. De loin, il les dépassait tous. Ma famille maternelle l’accueillit à bras ouverts et le bousculèrent de réprimandes noyées dans un amour infini de câlins et de tendresse comme on le décrit si bien dans ma langue: « dharb el hajjala fi bnaietha » soit l’équivalent de l’insuffisance de la correction de la veuve pour sa fille unique. En effet, c’était le meilleur, le plus fort, le nombril d’un monde de femmes toutes à ses pieds, presque un dieu dans sa famille ! Tout cela, c’était mon frère et je l’aimais à la folie. Une folie furieuse et souvent pleine de jalousie et de rancune car mon idole ne connaissait que trop bien ses illimites et il savait très bien en profiter sur son entourage et surtout sur ma faible personne. Il n'hésitait point à me tyranniser, à pousser chaque jour un peu plus son génie pour mettre au point une nouvelle technique, un nouveau jeu où toujours j'en sortais vaincue, harassée par ses manières violentes et cruelles. Je pris dés lors en horreur les jeux de mains où vilainement les parties tournaient toujours à son profit et où toujours il en sortait vainqueur sauf une fois et là commence une autre histoire.. A lire comme un PS: A la suite de cette fugue, toutes les religieuses avaient dû être scandalisées ou alarmées par ce même amour de frère mais une chose est sûre: le même paquet de chair humaine du premier soir: c’est-à-dire " MOI " fût vite emballé et déposé chez ses parents -ma mère . On me mît dehors pour une faute que je n’avais pas commise mais juste pour un délit unique : celui d’être la sœur du fugueur.

Les oiseaux "ne" se cachent "plus "pour mourir.

Le calme semble se frayer une rigole dans ce terrible tremblement de terre qui secoue mon petit pays. Un semblant de vie semble reprendre ses droits sur la mort, la déchéance et le chaos. Les magasins réouvrent. Les marchands s'installent anarchiquement dans les avenues marchandes. La population se réorganise dans ce couvre feu du mieux qu'elle peut. Les hirondelles reviennent timidement sur nos toits. Je rentre dans mes journées active, remplie de bonne foi et lorsque ce matin,je rentre dans mon bureau ,je tombe dans une inanition frôlant la folie. "Voleuse, criminelle, mains sales , sale pute, usurpatrice, conspiratrice avec l'ancien gouvernement et sa belle famille...je te poursuiverai jusqu'en enfer et nous le peuple nous nous vengerons." 
Il se lève vers moi et tente de me frapper. Il n'est autre que mon collègue au travail , un médecin comme moi. 
J'ai toujours marché sur le bas côté, jamais dans les grosses artères pour ne pas être écrasée. J'ai toujours appris à retenir ma respiration, à vivre en sorte d'apnée pour ne faire place qu'au souffle des autres. J'ai toujours joué dans la cour des petits où la voix retentit sans faire d'écho. J'ai toujours mangé , ruminé, évolué sans rot ni bruissement ni bruit juste très peu ou suffisamment pour faire figure de présence. Juste de présence.. J'ai toujours fait foi de silence lorsque je devais hurler. J'ai toujours ri lorsque je devais pleurer. J'ai toujours tu, enjolivé ou pommadé lorsque je devais arracher et refuser. J'ai toujours compris ou essayé de comprendre lorsqu'il n'y avait rien à comprendre ni à supporter. J'ai toujours dosé, fait attention, pris des gants et des précautions jusqu'à m'interdire de jouir ou de ne me réjouir qu'à moitié. J'ai toujours esquivé, paré lorsque je devais me défendre et dire non. Je me suis toujours cachée pour pleurer, panser une plaie ou rire à fond. A cela se jalonnent les intempéries de la vie qui m'enfoncent un peu plus dans cette sorte d'ascétisme forcé et presque inné. Pourquoi ? parce que j'appartiens à cette minorité qui se doit de faire profil bas parceque j'appartiens à ce corpuscule qui a appris à marcher face au mur ne voyant rien n'entendant rien et murmurant dans ses souliers parce que j'appartiens à cette gente qui doit se taire lorsqu'il faut parler parce que j'appartiens à ce groupe qui n'a rien à dire rien à rappliquer rien à juger rien à décider rien à soutenir rien à défendre juste qu'ils ont été là au mauvais moment et quand il ne faut pas. Allez demandez à un estropié ce qu'il aimerait faire dans son fort intérieur lorsqu'un minable se dresse pour le violenter et peut-être vous comprendrez Allez demander à une prostituée ce qu'elle aimerait faire subir à son mac lorsque la nuit, elle est livrée aux fantômes de ceux qui l'ont pénétrée et peut-être là vous comprendrez Allez demandez à un enfant battu de ce qu'il voudrait faire de son parent violent et peut-être là vous comprendrez Allez demandez à un serviteur ce qu'il aimerez faire de son patron despote et exécrable et peut-être là vous comprendrez Allez demander à tous les opprimés, les faibles, les sans voix ce qu'ils aimeraient faire de leurs bourreaux et peut-être là vous comprendrez J'ai connu la guerre des six jours alors que je n'étais pas plus haute que trois pommes comme dit Gabin,je crois. J'ai surpris la terreur dans le regard de mes femmes de ma famille maternelle mon seul monde fréquenté(l'autre s'est fermé à moi par la force des choses et des préjugés) J'ai connu l'exil sans exil et c'est pire car on vous oblige à tout ce que j'ai déjà énuméré et plus encore que je n'oublie. Exilée dans son propre pays, sa propre bande son école ses amis dans le moindre jeu d'enfant et lorsque cela tourne au roussi, on criera non pas au plus fort ni au gagnant mais toujours au perdant rien qu'au perdant soit l'estropié, la prostituée, la violée....et Dieu seul sait si cela n'est vrai. faîtes votre enquête demandez autour de vous et vous verrez.. on en veut toujours un peu à la gamine qui s'est mise dans les pattes de son père pour qu'il bande et la touche ou cette autre courant seule dans ce bois ou cet autre qui a exacerbé les tensions en revendiquant ... toutes ces victimes, on commence certes à les reconnaître, les plaindre mais nous ne pactisons jamais avec le feu. Nous préférons rester prudent. si j'avais à choisir un ami,je prendrai pour ma fille ou mon fils un propre sans tâche dans son dossier jamais un fils de violeur, de sans papier d'irrégulier ou moins que nous toujours mieux toujours mieux EXCUSEZ-MOI, je divague et me perds. mais c'est parce qu'un ras le bol furète mes arrières. Une marée montante emporte mon passé. Un débâcle diarrhéique inonde mon présent. Je me lève galvanisée par Samson,HERCULE ou Titan. J'ai plusieurs têtes, cinq mains et cent voix. Je hurle ,m'empare de lui le médecin du matin, le soulève,le projette hors de mon bureau Je le crible de jurons, de mots que je n'ose répéter. Je l'achève en refusant de prendre peur, de jouer son jeu, d'endosser injustement et surtout de me taire et de subir comme avant l'outrage et l'injustice en faisant dos au vent jusqu'à ce que la tempête tombe. Non cette fois,je suis la tempête. Mon dos ne se veut plus lisse , courbe pour supporter jusqu'à la fin Le Nil est à sa crue . Il casse les barrages,emporte la digue,les non dits,les années de mutisme,le semblant de survie à deux sous. Une fracture terrestre soulève des chapes d'injustice anciennes et récentes. Je me rue vers lui et pour une fois écroule sous ma voix des années de ténèbres, de tâtonnements et de brisure. Je le défonce sans scrupule ni hésitation parce que j'ai connu les esprits mal tournés,les fantasmes des fausses rumeurs, les dérives des obtus et des bornés, le joug du fanatisme et de l’intolérance Pour tout cela, j'ai décidé de ne plus me cacher pour mourir.