samedi 11 avril 2009

Pour changer de tempo...

Moi aussi, j’ai eu à ma consultation bien des gens.
Des hommes et des femmes,
des jeunes et des moins jeunes,
des riches et des fauchés,
des puissants et des moins puissants.
J’ai vu même défiler des ministrables et quelques présidents.
Le temps des formalités, d’une fiche à remplir et la séance commence.
Je règle ma montre après avoir allumé la petite lampe pour ma secrétaire qui ne doit point nous déranger .
Généralement, c’est toujours moi qui ouvre la voie avec cette habilité du rôdé ....
alors la personne s’ouvre petit à petit à moi.
D’abord avec une légère résistance,
quelques bégaiements puis elle commence à parler pour ne plus se taire.
Rarement sont celles qui viennent directement à l’essentiel.
Elle parle de choses d’abord banales comme un avant goût puis elle ramène timidement, petit à petit le discours sur elle et commence à se dévoiler.
Elle s’offre à moi nue comme un enfant sans défense et je commence à la cueillir sans grande difficulté avec cette demie ouïe des expérimentés et cette paupière à peine entrouverte des expérimentés.
Il n’y a rien de sorcier dans mon travail. Une fois que le contact est établi, tout est des plus faciles.
J’écoute ou je fais semblant d’écouter .
Je fais exprès de la reprendre des fois, de mettre un temps d’arrêt, de poser une petite question, de murmurer un acquiescement ou simplement de hocher la tête avec une manière qui se veut savante.
Je regarde des fois ma montre volontairement de manière calculée comme pour presser mon interlocuteur pour venir à l’important
ou des fois encore, juste pour me donner de l’importance, une contenance ou une emprise.
La séance défile plus ou moins vite selon les jours, selon mes humeurs ou mes préoccupations premières.
Des fois,je roupille entre deux questions, une réponse en suspension. Des fois, il me prend de me distraire en calculant à l’avance la recette du jour ou de la semaine selon mon semainier.Ce n’est pas que mon boulot est inintéressant mais au fil des années, la routine a déteint sur moi, sur lui une sorte de répétition des histoires, une sorte de déjà-vu, de déjà entendu. Homme ou femme, toujours les mêmes quêtes, les mêmes déraisons à quelques détails prés…
Quelques fois, au décours d’une phrase au trébuchement d’une hésitation, je sursaute et je sors de ma torpeur pour mieux écouter et soumettre à mon interlocuteur une attention générant une ordonnance un peu plus fignolée, plus particulière : une once de ceci sur quelques grammes de cela avec une pincée de machin, le tout saupoudré de je ne sais quelles autres fines herbes car comme vous avez deviné ,
je ne suis pas psy
mais

une cartomancienne qui excelle dans la lecture du marc de café....

4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ta plume. J'ai lu avec plaisir ce texte. Je ne suis pas voyante mais je me suis identifiée à cette cartomancienne. Quand je ne suis pas dans le TGV (mon article d'hier), je peux recevoir 8 personnes dans la journée et cela fait 15 ans que je fais ce métier. Je resens très bien les gens ce n'est pas de la voyance. Tous ceux qui sont dans la relation interpersonnelle depuis un certain temps ont l'intuition de l'autre. Je ressens aussi cette lassitude dans la relation en partie à cause de cela mais aussi parce que des années à écouter les autres qui sont dans une période difficile de leur vie (le chômage) est lassant. Il m'arrive aussi de sortir de la relation, de penser à autre chose, de m'en vouloir après mais c'est ainsi...

    Eglantine : http://quaidesrimes.over-blog.com
    Martine : http://www.cergyrama.com

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  2. je me suis demandée si tu parlais du métier de médecin qui peut aussi être blasé ou de psy qui doit voir la terre parfois tourner à l'envers mais tu parles d'une cartomancienne et il y a un fil conducteur entre tous, ils écoutent les âames blessées et peuvent soigner avec leur mots bien des maux

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  3. Ce n'est pas banal, une toubib, à table. Ajoutez à vos qualités, franchise. Ainsi vous voyez-nous, pauvres patients, avec vos yeux de chatte endormie. Il y a beaucoup d'humour dans ce texte. Je commence simplement à découvrir votre univers. Il faut du temps pour tout lire, mais je lirai tout. Soignant, aussi, puisque je suis art-thérapeute, quand je ne pratique pas le land art, je comprends très bien votre vécu. Disons, que peu de médecins tirent le rideau et nous montrent les coulisses de leur âme. C'est fort intéressant, sur le plan humain et j'en redemande. Peut-être est-ce écrit, plus loin.
    Très cordialement,
    Roger Dautais

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  4. oui on croirait une psy....bien transcrit..

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