vendredi 13 novembre 2009

Il est cinq ou six heures du mat.
Je ne sais trop.
Ce soir encore au milieu de la nuit, j'ai encore déserté.
Non pas que ma couche reste froide ni mon coeur d'ailleurs!
Mais parce que je sais qu'il n'allonge ni raccourcit la vie.
Je parle du sommeil mais cela on l'a déjà dit.
A cette heure du jour ou de la nuit,je relisais quelques commentaires arrivés sur mon blog depuis quelques temps.
Par simple curiosité ou par nostalgie des absents.
Je découvre à mon grand plaisir certains jamais lus.
Probablement parce qu'ils sont venus à mon insu.
Comme celui de Art-terre-happy.
Non pas art thérapie, le métier de notre ami Roger.
Bon je vais me ramasser et dire que je lui dédie par ce matin ce qui suit..

Gourde que je suis,
Toujours affable ,
A table avec les mal rangés, les maltraités, les mal dans leur peau, les abandonnés, les délurés, les condamnés, les prisonniers, les..........
MAIS JAMAIS LES MORTS car je ne pourrai rien pour eux sauf qu' ils m'emporteraient.

Voici pour toi art thérapie
Peut-être aussi pour ceux qui travaillent dans les prisons ou pour les prisonnier.
Peut-être aussi pour moi car j'ai encore envie de dégueuler.
Peut-être aussi pour rendre en mot ce que les autres veulent toujours censurer

La liberté


D'une voix perçante et courroucée, ma grand-mère dénonça le crime du vol dans ses affaires.
Elle entreprît de nous fouiller mais se garda intentionnellement de fouiller les autres enfants de mon oncle aîné. Des doigts de feu me désignèrent. J’étais forcément coupable jusqu’à preuve du contraire. Enfant des circonstances compromettantes. Enfant de la honte.
Enfant de « lihoudya hachek » était indéniablement la coupable. Grâce à mon appartenance vécue comme une terrible malédiction, je fus soigneusement fouillée et des mains douteuses se portèrent sur ma frêle personne emprisonnant ma voix, mes larmes et ma révolte.
Une envie fauve de mordre et de hurler contre l’injustice et son impunité. Certes, mes entrailles se révulsaient de dégoût et de peine pour cette nouvelle offense car il était indéniable que mon étiquette d’appartenance était source de mes persécutions.
J'avais appris à discerner avec les années, ce mépris collectif qui peignait mon entourage à l'évocation de mes origines. Le temps m'avait appris à exceller dans l'interprétation des sous-entendus, le déchiffrement des grimaces et surtout à deviner les pensées, les assentiments au hasard d'un chuchotement, d'une phrase inachevée. Il me suffisait d'un regard pour saisir ce qui n'a pas été formulé mais pensé.
Lihoudia une appellation insolite, empreinte de mépris et de dégoût qui faisait gicler mon sang à une vitesse folle, révulsait mes entrailles, dressait mes oreilles et hérisser chaque poil de mon corps.
"Lihoud "surtout parce que j'étais sur un sol arabe et que la terre appartient à son hôte mais aussi "l'arab " , la "RB" quand j'étais en compagnie des juifs.
Terribles étiquettes plus vives, plus lacérantes que la lame d'une épée qu’on retournait constamment et dans tous les sens dans le plus profond de ma chair. Seulement, les deux étaient ma chair et je ne pouvais me couper de l’une sans saigner de l’autre !
Profondes écorchures, terribles bavures autocensurant tout raisonnement, intensifiant mes mécanismes défensifs, atrophiant au plus grave mon "moi" au profit d'un "surmoi "maladif jusqu’au grade d’un sadisme réactionnel. Comment pouvais-je m'aimer quand tout prêtait aux railleries et rabaissements? Comment pouvais-je m'accepter quand on ne manquait aucune occasion pour me rappeler mon insolite différence dans des comportements souvent hostiles ourlés de racisme et de haine? Comment ne pas me refuser moi-même et vivre très mal ma double appartenance quand chaque camp rendait dur ma vie m'excluant d'ici et de là dans un terrible jeu du chat et la souris?
Eternel compromis de l’œuf et la poule, jamais résolu, toujours étalé!
Tout était pour que je ne cessai de croire un seul instant détestable et honteuse mon étrange appartenance où je ne trouvais ni racine ni authenticité. Je me rompais à la préserver cachée de tout oeil curieux et tenir secret mon parcours personnel et celui de ma famille pour éviter de nouveaux leurres et de gratuites hostilités.
Pourtant, cela n'empêchait guerre les douleurs de venir jusqu'à moi et les chagrins de me déteindre et de me défoncer. D'angoissantes impasses ouvrant toutes sur d'innombrables impossibilités parce qu'il est presque impossible à l'homme d'oublier lorsqu'il s'est couvert de honte et d'un profond écœurement de soi même comme ce soir d'un jour sans fin où on cria au voleur et que je fus fouillée. Atterrée et horriblement gauche, je me sentais coupable et désignée parce que la voix du faible est souvent imperceptible et celle de l'innocent encore plus sourde. Je tremblais de tout mon corps et je me sentais couverte de honte car je croyais fermement que j’avais volé le parapluie sinon on ne m’aurait pas soupçonnée.
Un tel transfert existe-t-il en psychiatrie ?
Une telle confusion trouve-t-elle son entité dans la pathologie médicale. Par tout cela, je comprends au mieux ceux qui détalent sous la panique au moindre cri ou alerte trouvant toujours quelque chose à se reprocher.

Le parapluie d'enfant fût rapidement retrouvé dans non pas mes affaires mais celui de ma cousine. Elle s'était permise de le prendre parce que tout lui était permis y compris les affaires de grand-mère et mon innocence.
Tout le monde rigola de son enfantillage et l'incident fût vite oublié mais on oublia de me faire des excuses, moi l'enfant des soupçons, enfant des circonstances compromettantes.
Seulement, moi je n'ai pas pu oublier. Non pas par rancœur mais par brisement au cœur. Un arrière goût amer au fond du palais, de ma personne parce que cela aurait pu se passer autrement. Un condamné peut toujours purger sa peine dans la dignité. Cette dernière perdue, la mort reste plus supportable et plus délicate à mon sens. Les humains peuvent se bousculer sans s'écorcher, sans se nuire. La terre a été crée pour supporter les hommes, tous les hommes avec leurs différences et dans leurs différends!

La peur est une panique.
La honte est un cancer.
Elle entre par la nuit.
Elle taille l'enfant , le phagocyte, l'enchaîne et le bâillonne.
Le sommeil est le royaume des pauvres, des faibles et sans voix.
Je pense que nul n’est en droit de juger quelqu’un ou d’exécuter une sentence qu’après avoir plongé dans son vécu. C’est pourquoi je trouve que notre système pénal actuel complètement dérisoire et toutes les sanctions faites d’années de prison inutiles et vaines. La prison et les longues années de peine ne corrigent nullement le prisonnier mais lui apprennent seulement à s’initier dans le crime où il était à sa première entrée uniquement novice, un médiocre apprenti. De même qu’on ne peut promettre à un repris de justice de ne pas voler, s’adonner à la drogue et le trafic si à sa libération rien n’a changé. Les mêmes impasses sociales, les mêmes appréhensions. Uniquement des portes fermées et des dos tournés !
Aussi, il est plus que prévisible qu’un repris de justice nouvellement libéré succombe de nouveau dans la faute si les portes continuent à se fermer et les dos à se tourner !
Eternel piège à sens unique où une sordide et infecte étiquette ressurgit du noir des pensées pour se scotcher intimement à tout prisonnier " rat de prison ".
Or, on ne naît pas rat de prison mais on fait un rat de prison.
Nous le faisons tous par notre silence et nos compromis!


C'est long.
C'est lourd.
C'est un roman fleuve, je vous l'accorde mes amis.
Mes excuses.
Mais allez demander aux repris de justice, aux innocents surtout, ils vous parlros d leur nuit.
Allez demander à ceux qui connaissent les prisons ,
Ceux qui y ont travaillé
Ils vous le diront certainement.

Voilà Art-terre-happy, ce que ton texte m'a fait.

11 commentaires:

  1. tu fais décidémment de biens jolis textes
    il me faudra un jour prendre plus de temps pour en lire d'autres
    merci de ton passage chez moi

    bonne journée et bon we Lilia

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  2. Les blessures de l'enfant d'aujourd'hui empêchent l'adulte de demain d'être heureux.
    Je me suis souvent demandée comment j'avais pu traverser tant d'années noires sans garder trop de cicatrices... Comme ton texte l'explique, Lilia, c'est l'enfance qui est la source de notre bonheur.
    Si les années d'enfance sont emplies de lumière, de joie, d'amour, de partage, de confiance, de respect, de bons souvenirs, les drames de la vie pourront plus facilement glisser sur nous car nous avons des réserves de bonheur au plus profond de nous.
    Par contre, si les premiers pas dans ce monde s'effectuent dans le noir, l'indifférence, l'humiliation, la solitude, le mépris, la haine et la violence, l'esprit et le corps ne sont ni armés ni protégés contre les souffrances à venir et l'adulte ne peut se sentir heureux.

    A tous ceux et toutes celles qui n'ont pas eu cette enfance pleine de glissades en luge, de parties de cache-cache dans le grand verger, de gâteaux de riz, de petits chaussons bien chauds et d'histoires pour s'endormir, de tout cœur, je voudrais leur offrir quelques-uns de mes souvenirs pour que leur tristesse s'amenuise et que leurs doutes disparaissent.
    C'est un peu le but de mes esperluettes.

    Pensées épaminées...

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  3. du temps, j'espère que tu en trouveras
    du talent, tu ne manqueras point
    mrci

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  4. douce Epamin'
    j'aime te lire
    tes com sont dispensés épaminés de bonté
    je t'embrasse très fort

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  5. J'ai beaucoup aimé ton billet Lilia. J'ai beaucoup aimé aussi le commentaire d'Epamin'.
    Je ne suis pas très présente en ce moment, je le reconnais... mea culpa ! Mon esprit est accaparé par d'autres choses et l'encre a du mal à couler... le syndrome de la page blanche qui s'éternise sans doute !
    J'en suis attristée, crois moi !
    Mais ta visite fût un plaisir, alors j'espère à très bientôt, lorsque les mots devant moi danseront à nouveau...

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  6. Je trouve ton texte très intéressant. Les affronts qu'on a eu dans l'enfance marquent pour la vie. Si la prison encourage le crime ce serait quoi la solution? parce qu'à mon avis ils ne sont pas tous réabilitables.

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  7. je reste emue devant ce texte, tres fort tres touchant, j'ai plus a dire que deux mots a toi lilia: T'aime T'aime

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