mardi 22 décembre 2009

Chez les fous...



J'aime venir ici.
J'aime savoir que des amis , amies aiment venir me lire.
Certains même s'entichent de mon écriture.
Elle chatouille leurs désirs, me remplit de volonté.
Il y a des jours que les saisons renient.
Ils se débinent devant la nuit.
comme les soirs où les charognards sont là pour mordre dans la chair fraîche, celles des enfants, des sans défense , des grands malades, de la comateuse , de la mémé ou la démente que la blouse blanche approche le soir et viole sans aucune retenue.
Mais à propos de démence ou de troubles mentaux...
Comme je les aime ces grands malades sans "tête".
Ils me rappelent à ma folie.
Pas plus tard qu'hier, j'étais en visite dans un hôpitâl psychiatrique.
Je montais voir un collègue pour une affaire qui urgeait.
Je gare ma voiture, jette un dernier coup d'oeil à mon rétro qui me renvoie une image qui me conforte.
Il y a des jours où je me trouve jolie presque belle.
Je sors mon petit flacon de parfum pour faire bonne impression.Un truc de femme quoi mais là n'est pas le problème.
Un homme m'interpèle à ma grande surprise .Je sursaute toujours lorsque je suis prise au dépourvu ...
Peur antique ou T.O.C mais ne nous perdons pas encore plus...
Il me dit dans une voix cassée:
donne moi un peu de parfum
Je me retourne et je le vois.
Un homme sans âge, certainement plus jeune que moi mais la misère taille dans la chair, rend mal en point, sale et hideux.
Elle rend vieux terriblement vieux.
Des cheveux en broussaille, une barbe pouilleuse, des doigts jaunis sur des ongles noirs.
Il s'agit bien évidemment d' un haut pensionnaire de ces bas lieux de la déchéance humaine.
Il n'avait plus que des os qui saillaient sous sa camisole presque noire.
Ai-je eu peur au moins un seul instant moi la toubib à la con?
Ai-je - été traversé l'air d'une seconde d'un soulèvement du coeur du dégoût qui stérilise?
Ai-je?
Ai-je ?
Ai-je?
Alors pourquoui ce temps de pause?
Pourquoi ce fractionnement des idées, de la parole, de ma personne...
J'ai toujours aimé la médecine surtout la psychiatrie .
J'auraiaimé être psychiatre mais je ne suis que gériatre.
Ma première maternité m'en a empêchée puis une succession de choses qui font nos vies....
Le monde des fous m'a toujours passionné et lorsqu'internes, mes collègues fuyaient les stages dans les asiles,j'avançais vers eux le coeur léger presque dans le joie.
Je les aimais.
Je les aime toujours ces malades mentaux parceque leur folie les rend des plus vulnérables et ça je ne peux le supporter .
Leur démence ne me fait pas reculer ni sursauter mais toujours une voie, une passerelle et nos idées confluent.
Ils me comprennent et je les comprends.Nous avons toujours su communiquer.
Ma mère à qui je dois tout, me dit toujours pour me taquiner en faisant allusion à mon empathie envers les malades psychiques:
"il n'y a que les fous pour aimer les fous"
Oui,je les aime et je n'ai aucune réticence à le dire.
Leurs regards perdus
Leurs chuchotements
Leurs hébétudes
Leurs peurs
Leurs idées qui se cognent confuses et maltraitantes, rebelles maltraitées juste assommées par des kilos de neuroleptiques, de drogues encore plus agressives l'une que l'autre.
Oui, leur folie me touche au plus profond de ma personne.
Je me retourne et je réserve un sourire coquin, charmeur ou amical à ce monsieur en loque, à cette loque humaine qui pendant une fraction de seconde s'est réveillé de sa torpeur pour me demander une folie: mon parfum.
Je l'en asperge.
Nos yeux se rencontrent, nos pensées aussi.
L'INSTANT EST BREF PRESQUE MAGIQUE où l'aurore s'est substituée à la nuit.Cette dernère résiste peu à la percée du soleil.
Un bout de paradis.
Il me sourit puis retombe dans l'infantilisme , ses bouffées délirantes répétant un refrain sans queue ni tête, une logorhée sans fin .
Il est des bonheurs qu'on ne mesure que lorsqu'ils sont perdus.
Nous ne prenons malheureusement conscience de la valeur des choses que lorsqu'elles ne sont plus à notre portée.
Souvent, nous courons vers des joies éphémères, des illusions négligeant les vrais trésors que nous possédons et rien je dis bien rien n'égale la santé de la personne en particulier la santé mentale!

18 commentaires:

  1. Épatant ce texte! J'ai toujours eu une compassion immense pour les gens qui ont des troubles psychiatriques. C'est vrai que nous négligeons les vrais trésors que nous possédons. Pire, souvent nous ne nous en rendons même pas compte! Au plaisir!

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  2. Tu étais un petit bijou de cadeau de Noël pour ce monsieur, une fragance-fulgurante de souvenirs perdus et juste du respect de sa personne en tant qu'humain debout, ce qui manque cruellement dans ces endroits qui pourtant crient-hurlent-au-vent à qui voudrait bien l'entendre leur manque d'humanité********

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  3. Deux de tes phrases m'ont donné le frisson, un vrai frisson...mais un frisson de bonheur, de plaisir et d'humanité...
    Merci pour ces instants de cœurs mêlés et de senteurs partagées...
    Bises de Noël

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  6. " Il est des bonheurs que l'on ne mesure que lorsqu'ils sont perdus ".....

    Il n'y a rien à rajouter....

    Ton texte est magnifique....merci beaucoup de nous faire partager tant de beauté !

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  7. La maladie mentale c'est comme être enfermé dans une prison et cette prison c'est la tête. Un très beau texte. Je te fais la bise pour Noël.

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  8. finalement ce n'était pas "donne-moi du parfum" mais "viens à moi ton parfum"... ta douceur d'Homme qui me rappelle celle qui fut la mienne

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  9. La folie des hommes,
    je dis souvent que les simples d'esprit et les absents de ce moment (par l'esprit), iront au paradis. Je dis également que c'est peut-être nous les hommes dit "réfléchi" qui sommes fous. Il y a des malades mentaux qui marchent librement (Hitler en était un) et qui ne seront jamais enfermé parce qu'il ressemble à monsieur ou madame tout le monde. Au fond, le monde est un vaste asile psychiatrique, seulement on ose pas l'admettre. j'approuve ton geste envers cet homme de dieu, car il est homme de dieu, c'est un homme qui malgré sa misère essaye tant bien que mal de vivre dans un monde qui l'ignore. Parce que tu ne l'as pas ignoré, il a eu un bonheur immense. Je t'embrasse très fort Lilia, qu'importe que tu sois en gériatrie, nos personnes âgées ont besoin de gens comme toi.

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  10. Bonjour Lilia

    J'ai bien hâte que cette période mouvementée des fêtes soit chose du passé pour reprendre mes lectures. Je prends ces quelques minutes pour te souhaiter, à toi et à ta famille, un Noël merveilleux rempli d'espoir et de joie, et que chaque jour de l’année 2010 soit la plus belle journée de votre vie.

    et merci pour ta visite

    Bises

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  11. Et je t'ai lu, et j'écris,
    Des gestes, si petit soient-ils, des paroles gentilles, ça ne coûte rien et cela a un prix inestimable pour celui qui le reçoit, qu'il soit sain d'esprit ou non. Merci pour ce bel exemple d'amour.

    Puissiez-vous tous rayonner autour de vous
    l'amour et la paix intérieure.

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  12. j aime bcp tes recits...

    tout mes voeux prends bien soins de toi et de ta famille ;O)

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  13. Bonsour Lilia,

    Je passe en catimini, sourire, te souhaiter de bonnes fêtes, je ne sais pas si tu comptes réveillonner mais je te souhaite de passer un agréable moment auprès de tes proches. Meilleurs voeux ma belle.

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  14. Merci de tes gentils mots...moins bavarde(par écrit) que toi, je te souhaite une bonne fin d'année et c'est avec joie que nous retrouverons en 2010 bises MimenS

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  15. tu n'es pas QUE gériatre, tu ES gériatre et comme l'a dit Enfer noir, les personnes âgées ont besoin de gens comme toi.
    Elles en ont de la chance celles que tu rencontres; et si ta première maternité t'a empêché d'être psychiatre, c'est peut-être bien ainsi.
    Merci en tout cas pour ce que tu écris, pour ta sensibilité et la beauté de tes paroles.
    ta mère a sans doute raison, il n'y a que les fous pour se sentir bien avec les fous.
    Je ne suis pas toujours très bien avec ceux qu'on appelle ainsi, mais je ne suis pas toujours très bien non plus avec ceux que l'on considère comme normaux,adaptés, intégrés à la société, riches, en bonne santé, intelligents voire supérieurs.
    mais quand même, je suis sans doute un peu folle et je m'en réjouis. Ma mère à moi dit :
    n'est pas tout à fait sage celui qui n'a pas son grain de folie"

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  16. ce récit me bouleverse...
    quand j'ai eu 22 ans, je faisais une dépression car je souffrais d'avoir été trompée...je souffrais tant qu'on m'a enfermée dans un H.PSy suite à une TS

    çà a détruit ma vie, çà m'a donné la force..

    j'ai un autre blog qui sera bientôt privé, qui t'en dira long sur moi et ma force, toi la toubib que je suis si heureuse d'avoir rencontrée par hasard :

    http://entrevengeancesetpardons.blogspot.com

    j'ai appris bcp d'un de mes amis psy que j'adore...je suis aussi fascinée par les gens "hors normes"...
    Lilia ...super d'êetre venue à ma rencontre...

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  17. "Il y a des jours que les saisons renient" dis-tu. Rien que pour cette image, j'ai bien fait de venir jusqu'à toi. Et maintenant que je sais, j'y serais venu à genoux.
    "Je les aime toujours ces malades mentaux parce que leur folie les rend plus vulnérables". Tu vois que nous nous retrouvons sur des engagements précis? Et quand j'ai vu que ma fille,avec ses 29 enfants de trois ans en maternelle (elle qui aurait pu faire ce qu'elle voulait dans les études)a accueilli sans aide un enfant autiste, j'ai admiré son altruisme, sa générosité. Je connais ses qualités humaines et intellectuelles. Mais je déplore son intransigeance face aux autres et son irrascibilité à certains moments du mois. Du moins me figurè-je que les "humeurs"la dominent et je lui pardonne de nous prendre en otages, sa mère et moi qui avons fait le même métier qu'elle.
    "Il est des bonheurs qu'on mesure que lorsqu'ils sont perdus" dis-tu. Tu vois comment tu sais dire ce que l'on attend. C'était si doux lorsque je l'acompagnais au conservatoire pour sa leçon de violon alto. Je restais dans le couloir et j'écoutais ses progrès, les conseils du professeur. Je ne savais pas que c'était en fait un grand bonheur que je vivais là.
    Mais tu m'as apporté beucoup de réconfort dans ton dernier commentaire à ce propos.

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