vendredi 17 juin 2011

Nos prisons!

Je ne sais plus si je suis dans la réalité ou encore dans le fantasme des
interdits.
Je ne sais pas mais ma tête convulse à la lecture d'un texte sur kapitalis sur
la torture dans nos prisons.
Je m'accoude au bar des tortionnés , tente une virée mais j'ai comme une
impression de vertige et de nausées.
Délire ou catharsis ?
Je ne sais pas mais j'ai comme l'impression de porter mon pays toute seule.
Je la trouve gentille la rédactrice de l'article, elle y va tout doux, à
petites mesures pour mes sens affamés de vérité.
Hier encore, j'ai dit à un ami qui me questionnait sur la valeur, le but de mes
écrits.
Je ne sais pas, je ne sais plus mais ce dont je suis sure c'est que je ne veux
plus rester sourde à cet appel qui me vient du ventre de la terre qui me secoue,
me" vulnère", me rend esclave du détail pour l'affranchir, le faire parler et
témoigner.
Je revois encore ce Samir Dilou à la télé qui raconte son arrestation et la
prison.
Il m'impressionne bien qu'il me soit étranger.
Il y a quelque chose dans son franc parler qui me touche, me remue au plus
profond de moi même, me rend triste et petite.
Son histoire revient la nuit me hanter.
Ils sont nombreux depuis à le faire et depuis quelques jours, j'essaie
d'échapper à ce désir fou d'écrire et de hurler.
J'ai mon examen à réussir et pourtant les cris de cet enfant d'à peine dix neuf
ans à la prison de Roumi continue à me percer.
Ils l'attachent à l'arbre sur lequel le matin, ils ont pissé puis versé le
fameux coca.
Nos gardiens de paix sont des pro.
Ils poussent le génie, inventent le monde et calculent la barbarie.
Consignes ou hérésie?
Ce n'est plus un arbre mais un nid de fourmis et le soir lorsque le petit en
fait des siennes parce qu'il a peur de la nuit et de ses prédateurs, ils le sortent prendre l'air en
petites tenues et torse nu .
Ils l'attachent à l'arbre qu'il enlace menotté malgré lui.
J'entends encore ses hurlements qui déchire la nuit et le jeu pervers des
fourmis dévorantes partout sur son corps et dans le moindre de ses trous.
Vous convenez bien dés lors qu'il il ne s'agit plus que de béances et de trous.
Dieu est absent de ses atrocités.
Il ne fait plus.
L'homme fait !
Je ne suis pas mes amis dans le blasphème mais le blasphème est dans ce que
j'ai surpris dans ce regard aboyant, ce souffle pervers qui rôde la nuit,
oublie son rôle de monter sa garde pour monter ses gardés.
Le blasphème est encore à la prison de Roumi que je ne connais que de nom mais
dont la réputation dépasse l'inhumain lorsque le jour du convoi des islamistes
arrive.
Un autre jour dont l'homme est encore seul inventeur.
L' « airéa » ou la grande cour est dans sa belle robe pour les accueillir,
tuyaux d'arrosage à haut débit….
toujours en petites tenues : slip et torse nu
mais cette fois dévalant le camion blindé dans la fameuse position de "la
poule" avec l'ordre de traverser la cour dans cette marche de bipèdes volaillées
sous les jets puissants et la pluie des cravaches pour bien pimenter le
caquetage de ces "volailles d'occasion"!
Que puis-je ajouter sinon courir vers la prison de l'intérieur, rouler un oeil
inquisiteur vers cette infirmerie où un homme est pris de cours sous le silence
des agneaux , fait une tournante perverse avec les gardiens de paix immortalisée
par une caméra perverse qui démolira son imago auprès de ses coreligionnaires.
J'entends encore ses cris .
Ils arrivent jusqu'à moi, me déflagrent pour que je n'oublie.
Ce n’est plus d’un homme érudit qu’il s’agit mais quelqu’un de
dépersonnalisé complément abusé et détruit.
Qui a donné l'ordre de squatter ce semblant havre de soin ?
Où sont passés les infirmiers et les docteurs ?
Un silence complice emprunt d'horreur lorsqu'ils laissent faire, taisent leurs
témoignages dans leurs rapports sur les sévices faits sur les prisonniers. Des
fois, ils en rajoutent et se délectent par un accueil odieux et une maltraitance
hors sermon ennuyés ou excédés par la misère dérangeantes des incarcérés qui
continuent à croire en l'infirmerie comme source de soins et de bénéfices
secondaires pour échapper à l'angoisse insupportable de leurs vécus.
Je reviens à ces docteurs.
Je m’arrête à leurs sciences et savoir qui se débine devant autant de
monstruosités.
Pourquoi se fait-il mnésique et frappé de stérilité lorsqu’il simule la santé
lorsque le « chambri »n’est que horreur, odeur de sperme et de vomi ?
Pourquoi menottent-ils la vérité, cadenassent –ils l’inhumain s’allient au
diable et permettent l’innommable ?
Combien les archives détiennent-elles de cas de viol ou de sodomisation, de
coups et de passage à tabac jusqu’à la mort parfois ?
Pourquoi les statistiques sur de cas de tuberculose, de maladies vénériennes
et même infectieuses simples de gale et de tique manquent sinon comment
expliquer que les pavillons continuent à regorger de plus de cent détenus dans
des espaces fermés blindés humides sans fenêtre de moins de un mètre carré par
personne avec chacun deux baluchons pour linge propre d’été et d’hiver, un autre
sale, trois couffins pour la semaine et un seau en plastique comme baignoire,
garde manger et table de travail ou de jeux de carte selon la circonstance .Tout
cela dans un mètre carré et même moins par personne.
Où se trouvent les rapports sur l’hygiène sinon comment permettraient-ils ce
surpeuplement et ces encombrements ?
Où sont les équipes sanitaires pour désinfecter, dératiser et rendre salubre jour et nuit?
Imaginer le confinement lorsqu’ils sont à cent et plus.
Imaginer un seul instant le brouhaha et le vacarme lorsque chacun place un mot
ou lorsque l’air se réchauffe ou s’électrifie.
Des hommes ramenés à un état bestial par manque de dignité et de pudeur.
L’homme amoindri est alors en droit de se comporter en bête féroce.
Je ne veux rien rajouter juste résumer et à la hâte l’état de nos prisons et je
reste indulgente car je ne dirai qu’un mot sur les files d’attente dehors dans
les parloirs , la misère et les souffrances des familles qu’allègent juste la vue de l’aimé derrière ces barreaux qui asphyxient l’air entre des cloisons minuscules sans aucune intimité avec le voisin qui écoute malgré lui et le gardien de paix qui pénètre en maître des lieux les pensées , les discussions !
Je vous ferai grâce de quelques autres détails honteux.
Juste un regard triste vers cette jeune sœur ou femme ou cette animatrice de télé qui arrive écrasée
par la honte ranimée par la vue de ses aimés violée dans son intimité profonde
par les pénétrations intrusives du regard , de cette main qui traîne ou cette
autre qui se hasarde insistante et perverse encouragée par la poigne du pouvoir
que possède le minable ou le hakir sur les misérables..
Que d’injustices, d’abus et c’est encore peu raconter nos prisons !
Celui qui n’ a pas connu les convois de déclassement n’a pas connu la prison !
Celui qui n’a pas été par un mouchardage terrassé dans la nuit par un état de
siège et de départ forcé vers l’inconnu une autre prison plus radicalisée n’a
rien appris encore !
Il faudrait se serrer à trente dans ce camion blindé avec ses fameux balluchons de misères et un seau collectif pour les besoins collectifs du voyage menottés ankylosés et chacun dans cette nouvelle épreuve s’arrange à sa manière pour ne pas pleurer !
Un dernier mot sur la prison de « lahwereb», je ne peux pas ne pas le faire.
Je ne suis pas en droit de m’abstenir. Je me suis promise la vérité.
Il ne s’agit pas de prison car la prison devient clémence et apaisement.
Un camp de concentration sur une terre de désolation jetée dans entre les flancs
d’une région aride sèche et stérile où la nature se fait complice du démon pour
rendre l’air irrespirable par canicule ou gel des hivers gerçant et la vie
impossible.
Et pourtant, on continue à y jeter des hommes assujettis à leur peine par
centaine dans des pavillons sordides puants et où les manières sont des plus
musclées que ce soient de la part des tortionnaires que des pensionnaires de ces hauts lieux entre
eux.
Lahwereb c’est pire que les oubliettes c’est les convois sans retour une antichambre de la mort sans
vestige d’humain de réel de descriptible.
Celui qui n’a pas été à Lahwereb n’a rien connu de la prison !
Même les rats n’y vivent plus. Désertion massive par démission ou peur de
contamination ?
Tout cela et pire encore nos prisons !
Mais alors pourquoi ce désir féroce de mettre au grand jour ?
Pourquoi ?

Je reste dans la précarité des acquis et je me veux effacée devant tant de
souffrance.
Quelque chose de fort de puissant me cheville à ces misères , à la tourmente de
ces prisonniers que ce soit de droit politique ou de droit civil .La différence
m’importe peu car chaque individu s’aligne au pas de la décence et de la
dignité.
Nous devons le respect à ces hommes qui ont une peine à purger et tant que ces hommes
sont prisonniers, ils doivent écoper dans la dignité leurs années.
Notre regard doit être porteur consolidant et si nous voulons que cela change, il
faut commencer par cela.
Humaniser les maisons de détentions.
Par cet écrit que je veux fort et souvent aux limites de la pudeur, je tente d’
arracher les mauvaises herbes non pas dans un but vindicatif mais réparateur,
consolidant.
Je veux raviver les berges en bon interventionniste pour mieux oxygéner.
Je veux dans cette poigne de relever le défi, d’encore croire en cette
révolution me hasarder sur ces sentiers tabous et décrire l’innommable pour le
dramatiser à son juste titre en faire une cause et un motif de reconstruction .
Je ne tiens pas à faire le justicier, ce rôle ne m’est point donné de part mon
métier.
Je veux juste ne plus me taire et mettre le point sur l’abcès.
Il n’est point important de savoir d’où me viennent ces données qui restent
très vérifiables et encore moins que la vérité mais l’essentiel réside dans
l’urgence des remaniements dans les milieux carcéraux.
Il faut une grande remise à niveau avec un grand mouvement de
réaménagement et de détersion afin de permettre à la décence de se mettre en
place et à l’homme de continuer d’exister.
Lorsque j’incise dans le médical c’est juste parceque c’est le seul corps que je maîtrise assez.
Ce n’est pas dans un délire
culpabilisant mais dans un but de réappropriation de ce corps si noble pour ses
prorogatifs pour les impératifs de ce métier que j’aime tant !
Je voudrai qu’ils soient dans l’empathie du service de la santé de l’homme et rien que l’homme
quelque soit sa condition et donc uniquement et exclusivement pour sa santé .
Ecrire sur tout cela reste mon unique manière de vérifier le pouls , d’éléctrochoquer et faire redémarrer la vie !

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